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Désintox

Non Marine Le Pen, 99% des réfugiés ne sont pas des hommes, ni des migrants économiques

La présidente du FN assure que la quasi totalité des réfugiés sont des hommes venant en Europe pour des raisons économiques. Ce que démentent les estimations du Haut-commissariat aux réfugiés.
par Pauline Moullot
publié le 8 septembre 2015 à 15h20

INTOX. Au FN, on ne parle jamais de «réfugiés». A peine même de «migrants». On parle de «clandestins». Et pour s'en justifier, Marine Le Pen prétendait, ce matin, s'appuyer sur les photos des hommes et des femmes à bord des trains venant de Hongrie. Ce serait la preuve, selon elle, que les personnes arrivant en Europe n'ont rien de réfugiés.

«Moi, j'ai vu les images des clandestins qui descendaient, qui étaient emmenés en Allemagne de la Hongrie, etc. Eh bien, sur l'ensemble de ces images, il y a 99% d'hommes», déclarait la présidente du Front national sur RMC ce mardi. «Il y a une minorité de familles.»

Un argument facile pour refuser de se laisser émouvoir et fustiger la migration économique, qui serait le réel motif des milliers de «clandestins» fuyant la Syrie. «On vous jette la mort d'un enfant au visage pour faire avancer un sinistre projet», avait-elle déjà dénoncé à propos de la photo d'Aylan Kurdi lors de l'université d'été du FN à Marseille dimanche 6 septembre.

«Or, moi je pense que des hommes qui quittent leur pays pour laisser leur famille là-bas, ça n'est pas pour fuir la persécution. C'est évidemment pour des raisons économiques», poursuivait-elle ce matin sur RMC.

DESINTOX. A y regarder de plus près, elle n'a justement pas dû bien regarder ces images. Selon l'Unicef, entre le 1er et le 6 septembre, sur les 10 000 migrants qui ont traversé la frontière entre la Grèce et la Macédoine, 40% étaient des femmes et des enfants. Soit une part d'hommes de 60% bien inférieure à ce qu'affirme Marine Le Pen. D'après l'organisation internationale, la part de femmes et enfants tend à augmenter. Pour la dernière semaine d'août, ils étaient 30%. Et en juin dernier, on ne comptait que 10% de femmes et d'enfants. L'UNICEF estime par ailleurs que «le nombre de femmes et d'enfants est probablement plus important que les chiffres constatés, puisque beaucoup de familles continuent leur chemin sans s'enregistrer officiellement».

Ces données sont confirmées par le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). Étudiant les arrivées en Europe dans le bassin méditerranéen, l'organisme des Nations Unies estime que 13% des réfugiés arrivant par bateau sont des femmes, 15% sont des enfants, et seuls les 72% restants sont des hommes. Toujours loin des 99%.

L’affirmation selon laquelle les réfugiés seraient essentiellement des hommes vise, dans la bouche de Marine Le Pen, à démontrer qu’ils sont des migrants économiques et non des réfugiés.

Là encore, elle est démentie par les statistiques. Il suffit de regarder le pays d'origine des réfugiés qui affluent. Libération expliquait déjà le 28 août la différence entre migrants et réfugiés. «Il est tout simplement inexact de parler de migrants syriens, alors que la Syrie est en guerre», précisait le porte-parole du HCR William Spindler. Syriens et Irakiens sont en effet reconnus comme des réfugiés «prima facie» : ils n'ont pas besoin de fournir la preuve des persécutions dont ils sont victimes dans leur pays d'origine.

Et selon le HCR, 50% des personnes arrivant en Europe sont originaires de Syrie, 13% d’Afghanistan et 3% d’Irak. Et 81% d’entre elles proviennent même des dix pays qui fournissent le plus de réfugiés.

De quoi torpiller définitivement les 99% de «clandestins» de Marine Le Pen.

Article mis à jour le 10 septembre. La première version faisait état d'une proportion de 66% d'hommes selon les chiffres du HCR. Ce pourcentage correspond en fait aux arrivées de réfugiés via la seule Grèce. Pour la totalité des arrivées dans le bassin méditerrannéen, le pourcentage d'homme est de 72%.

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